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« PETIT MOMENT D’ART-THERAPIE » Episode 4 « Ciel d’orage ! »

le 10/12/2021

Art-thérapie

Ciel d'Orage

« S’il vous plait, pouvez-vous me dire ce que je fais là ? C’est absurde, je vais très bien, je ne comprends pas pourquoi je dois rester dans cette chambre ».

Madame C m’interpelle ainsi. Je sens une grande angoisse dans sa voix. Je vois une dame très malade, immobilisée, dans le déni de son état.

Je lui explique que je suis l’art-thérapeute de la clinique. Je lui montre mon tablier d’artiste, mon matériel de peintre. Ses propos sont parfois incohérents, difficiles à comprendre, elle s’essouffle quand elle parle, mais elle semble plus calme après notre première « discussion créative ».

Lors de notre 2eme séance madame C m’attend, je propose d’essayer de faire de la peinture. Madame C m’indique qu’elle n’en a jamais fait. Je dispose sur la tablette de son lit une petite palette en carton avec cinq petits tas de gouache : noir, blanc, jaune, rouge, bleu. Sur une petite carte blanche je propose de faire des essais de couleurs.

Cette proposition est adaptée aux possibilités physiques de la patiente qui est très affaiblie. La gouache est liquide et se mélange très facilement, le pinceau est souple et léger, le papier dessin est lisse, la peinture s’y repose facilement.
Avec délicatesse et application Madame C  plonge le pinceau dans la couleur rouge, puis dans le jaune et découvre un orangé lumineux qu’elle déclare vouloir conserver : elle le dépose sur la carte blanche.

Elle veut créer d’autres couleurs, mélange doucement, essaie de nouvelles combinaisons. A nouveau plonge le pinceau dans le rouge, le bleu. Le violet crée est sombre mais lumineux. «  C’est beau, celui-là on le garde aussi » me dit-elle en déposant le violet sur le carton blanc.

Lors de la troisième séance Madame C est fatiguée.  Je lui demande comment elle va « ce n’est pas brillant » me dit-elle. Mais elle souhaite faire la séance comme prévue. Je reproduis avec elle les couleurs qu’elle avait sélectionnées à la séance précédente. Elle dépose les couleurs sur une carte de papier dessin beige. 
Nous regardons ensemble et en silence cette production que j’accroche sur le mur de sa chambre. Je sens une émotion forte dans ce silence. Madame C dit doucement « c’est un ciel d’orage ».

« En fait ce n’est pas vraiment un ciel d’orage, c’est un ciel après l’orage. L’orage était là, très violent, maintenant c’est calme ». Je propose de ranger la carte, mais elle me demande de la laisser pour pouvoir la regarder encore après.  Elle me remercie. Elle est très faible mais très calme. L’infirmière arrive pour faire un soin, s’étonne de la voir si calme,  je m’éclipse.

L’acte poétique vécu par Madame C dans sa manière de regarder les couleurs qu’elle a créés  et déposées sur le support lui permet de dire l’indicible.  Madame  C, à travers sa peinture et l’interprétation qu’elle en fait, parle indirectement de son état, de la difficulté d’accepter sa maladie, de sa douleur.

Je n’ai pas photographié le ciel d’orage de Madame C, mais il ressemble à celui peint par Emil Nolde en 1906.